Entretien de l’ambassadeur S.E. Monsieur Mamady Traore avec le journal Koweitien Al-Qabas

Dans un entretien exclusif qu’il a bien voulu accorder au journal Koweitien Al-Qabas le  mardi 30 juillet 2018 dans les locaux de son ambassade sise  au quartier Zahra Janoub surah  Block  8 rue 809 villa 117 l’ambassadeur de guinée au Koweït  son Excellence Mamady Traore a longuement abordé les relations de son pays la République de Guinée et l’Etat du Koweït d’une part et la situation de ses compatriotes domestiques vivant au Koweït d’autre part.

Cette interview fait suite à la polémique consécutive au tragique accident dont une de ses compatriotes du nom de KADE SADJO BAH a été victime le 09 /07/2018 dans un immeuble  géré par le bureau qui l’a fait venir au Koweït.

 

Q1: comment qualifiez vous les relations bilatérales entre la République de Guinée  et le Koweït?

Les relations guinéo koweitiennes remontent aux années 70. Elles sont normales et fraternelles. Nos deux pays ont en partage la religion musulmane et sont tous deux membres  de l’organisation de coopération islamique (OCI).

Le dernier développement intervenu dans nos relations bilatérales, c’est l’ouverture ici au Koweït de l’ambassade de guinée le 05 mai 2017. Auparavant le Koweït était rattaché à l’ambassade de guinée à Riyad en Arabie Saoudite.

C’est conformément à la volonté de nos deux dirigeants le Professeur Alpha CONDE et Son Altesse Sheikh Sabah Al-Ahmed Al-Jaber Al- Sabah  l’Emir du Koweït que le gouvernement guinéen a décidé d’ouvrir son ambassade au Koweït. Une décision qui contribuera sans nul doute au renforcement des relations traditionnelles d’amitié et de coopération fraternelle unissant les deux pays.

Je suis personnellement  très heureux  d’avoir été choisi par mon président comme premier ambassadeur de guinée ici au Koweït et d’ouvrir l’ambassade.

 

Q2 : quels sont les principaux accords et mémorandums d’ententes  signés entre les deux ces dernières années ?

Il faut reconnaitre  que si  en général les relations guinéo koweitiennes sont au beau fixe, dans le domaine de la coopération, des efforts restent à fournir des deux cotés pour les hisser à un niveau plus élevé, cela est bien possible car les opportunités ne manquent pas de part et d’autres.

En effet à ma prise de fonction, dans le domaine de l’éducation une seule bourse d’enseignement supérieur est octroyée chaque année à mon pays. Pourtant nous avons des milliers de candidats  ayant termine les études secondaires qui souhaitent poursuivre leurs études supérieures  dans les différentes filières dans vos universités ou institutions d’enseignement supérieurs. J’attends d’être reçu par le ministre de l’enseignement supérieur pour évoquer ce sujet.  Le domaine de la santé compte tenu de nos besoins et vos possibilités constitue un secteur auquel nous voulons  étendre notre coopération.

Il faut signaler que des ONG koweitiennes sont très présentes dans le domaine humanitaire et social. Elles contribuent notamment dans la construction d’écoles, de mosquées et forages pour combler dans certains villages le manque d’eau.

Il faut enfin aborder les relations entre le pays et le Fonds Koweitien. Apres une présence remarquable dans le domaine des infrastructures routières et de la santé dans les années 70/80/90 il convient de noter que  le niveau  de nos relations avec le Fonds koweitien n’a cessé de baisser durant ces dernières années.

Il a fallu l’ouverture de l’ambassade ici au Koweït pour qu’une véritable relance s’amorce, en ce début d’année 2018.

En effet en moins de deux mois de négociation entre le gouvernement guinéen à travers son ambassade ici au Koweït d’abord et ensuite avec le gouvernement  un accord d’un montant de 8 millions de dinars koweitiens a été signé le 21 juin 2018 à Conakry  à la satisfaction des autorités et des populations  guinéennes.

Ce montant est destiné à la  réalisation d’un projet  de construction de quatre (04) échangeurs sur l’une des principales artères de Conakry,  l’autoroute le prince.

Leur construction fera sans doute le bonheur des populations de la capitale car elle limitera les embouteillages monstres auxquels elles sont  quotidiennement  confrontées dans la circulation.

Je salue la volonté des responsables du Fonds koweitien de nous accompagner l’année prochaine dans la réalisation d’une autre infrastructure routière très importante dans la capitale Conakry.

Enfin, lors de ma rencontre avec le Directeur General adjoint  de la chambre de commerce et d’industrie du Koweït  le 04 juillet 2018 à leur siège. J’ai été heureux d’apprendre que les chambres de commerce de nos deux pays sont liées par deux protocoles d’accords.

Pour accélérer leur mise en œuvre, j’ai proposé à mon interlocuteur d’inviter son homologue guinéen à effectuer une visite de travail au Koweït, proposition qu’il a acceptée. Il a déclaré qu’après  le mois de septembre 2018 son frère est le bienvenu au Koweït à une date à sa convenance.

Q3 : Comment voyez vous le rôle du Koweït au sein du Conseil de sécurité?

J’ai été très heureux d’apprendre l’élection du Koweït comme membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unie pour deux ans. Je sais que le Koweït joue déjà un rôle important dans le maintien  de la paix, de la sécurité  et de la stabilité dans la région du Golf. Grâce à son expérience en matière de recherche de la paix dans sous région, je suis convaincu qu’il tiendra toute sa place au sein du conseil de sécurité en y apportant son expertise lors des débats.

Pour votre  information je suis moi-même familié du temple de la diplomatie internationale, l’ONU notre maison commune. 

En effet j’y ai été ambassadeur représentant permanent de mon pays en 20022003 alors que mon pays  était membre non permanent du Conseil de Sécurité.  A cette occasion j’ai eu le privilège de présider le conseil de sécurité en mars 2003. La seconde guerre en Iraq  a débuté pendant que j’étais président du conseil de sécurité. Ce moment reste pour moi  le plus exaltant et inoubliable de ma carrière de diplomate.

Q4 : y a-t-il  des visites officielles en perspective entre les deux pays ?

Pour le moment il y a très peu de visites officielles entre les deux pays. Mais j’espère qu’avec la visite officielle  projetée de  mon président au Koweït à l’invitation de son Altesse Sabah Al-Ahmed Al-Jaber Al- Sabah la situation évoluera très certainement.

Une telle visite ouvrira la voie à des contacts directs entre hommes d’affaires guinéens et leurs homologues koweitiens ainsi qu’entre les membres  des deux gouvernements.

En effet lors de ses différents déplacements à l’occasion des visites de travail, le chef de l’Etat est toujours accompagné d’une importante délégation comprenant des ministres et des operateurs économiques.

J’attends beaucoup  de cette visite dont le principe est acquis depuis la présentation de mes lettres de créance à son Altesse l’Emir du Koweït, je suis régulièrement en contact avec le protocole des affaires étrangères en vue d’en fixer la date.

Q5 : Pouvez vous nous parler de la situation de vos compatriotes au Koweït ?

La colonie guinéenne  au Koweït se divise en deux  catégories :

  • Une premièrecomposée d’étudiants officiellementinscritsdansles universitéskoweitienneset d’anciens étudiantsqui au terme de leurs études ont trouvé un emplois dans le domaine de l’enseignement dans votre pays. Leur nombre varie entre 20 et 25. L’ambassade n’a aucun problème avec eux et n’a jamais été saisi d’un quelconque problème ou plainte les concernant de la part des autorités ou des citoyens koweitiens.
  • Une deuxième catégorieconcerne les guinéennes domestiques qui ont décidé de tenter l’aventure au Koweït àla recherche de meilleures conditions de vie.

Un an après  l’ouverture de l’ambassade de guinée au Koweït, je dois avouer que la gestion de leur situation  constitue la plus grande préoccupation pour nous à l’ambassade  présentement. Leur nombre n’a cessé d’augmenter et leurs conditions de recrutement manquent totalement de transparence. A les entendre il en résulte qu’elles éprouvent des difficultés dans leurs lieux de travail.

Elles sont  pour la plupart surprises du travail et les salaires qui leurs sont proposés.  C’est une  déception totale qu’elles éprouvent.

C’est pourquoi elles sont nombreuses à fuir leur lieux de travail et chercher refuge a l’ambassade avec comme  seul souhait de retourner  rapidement au pays.

Malheureusement  il se trouve que l’ambassade ignore tout de leurs conditions d’embauche. Pourtant  une fois qu’elles arrivent à l’ambassade,  nous avons  l’obligation de les accueillir  et les assister dans   les démarches très complexes devant aboutir à leur retour au pays.  J’ignore leur nombre exact dans le pays car l’ambassade n’est pas informée de leur arrivée au Koweït et ignore par conséquent leurs adresses  à l’intérieur du pays.

 A ce jour 148 ont pu retourner au pays grâce aux démarches de l’ambassade tandis que 30 attendent au centre d’hébergement, à la déportation et dans les hôpitaux. Présentement   nous en accueillons au moins deux ou trois par semaine.

  Au passage je tiens à remercier les responsables de la direction de ce centre, et de la déportation ainsi que  les médecins pour leur collaboration et leur disponibilité qui ne nous  ont  jamais fait défaut dans la gestion de cette délicate  situation.

D’autre part il  est important de  signaler que mes compatriotes domestiques qui continuent à travailler dans les ménages koweitiens sont plus nombreuses.

Parmi elles il y en a qui n’ont nullement l’intention d’abandonner le travail et qui souhaitent rester ici.

C’est ainsi que la situation se présente. Celles qui veulent rester sont libres de rester et celles qui veulent retourner au pays sont également libres de partir. Nous devons respecter leur choix, leur décision.

Concernant la domestique guinéenne du nom de KADE SADJO BAH qui a sauté du 6ème  étage d’un immeuble  il y a environ trois semaines dont la nouvelle a fait beaucoup  de réaction sur les réseaux  sociaux aussi bien ici au Koweït qu’en guinée. Dieu merci son état s’améliore assez bien grâce à ses médecins traitants de l’hôpital  Al Adan où elle est admise.

Selon elle, elle aurait été séquestrée enfermée et privée de nourriture des jours durant  dans un appartement relevant du bureau qui l’a fait venir au Koweït. Avant j’ai écouté certaines qui m’ont parlé de leurs  conditions de travail difficile mais jamais un tel cas ne s’était produit ; c’est un  cas malheureux    une première et je souhaite que plus jamais il  ne  se reproduise.  

Q6 : quelles sont les solutions que vous proposées aux autorités afin que de tels actes ne se répètent plus ?

A mon avis les bureaux chargés du recrutement de ces jeunes filles et dames comme domestiques  et leurs représentants basés en guinée sont les premiers responsables de cette  malheureuse situation.

En effet, les recrutements sont faits sans transparence pas de contrat clair et mieux pour les encourager à  accepter l’offre de venir travailler au Koweït, ils leurs mentent et ne leur disent pas la vérité sur le travail précis qu’elles doivent faire à leur arrivée, ni du salaire qu’elles doivent toucher.

En plus elles sont souvent arnaquées par les représentants des bureaux basés en guinée qui leurs font payer d’importantes sommes d’argent avant même leur départ de Conakry.

Ils leurs mentent carrément en leur faisant croire qu’elles viennent pour travailler dans des  grands hôtels, des salons de coiffures, de coutures etc.. et qu’elles toucheront des salaires qui leur sortiront de la misère. Face aux réalités à leur arrivée c’est la surprise, la déception totale pour certaines d’entre elles qui ont tout abandonne (boulot, famille etc…) pour venir au Koweït ou on leur a promis monts et merveilles. C’est leur rêve qui est brisé.

C’est pourquoi certaine fuient leurs lieux de travail en préférant retourner au pays.

A mon avis, la seule solution qui vaille, c’est de réglementer le recrutement, le formaliser avec l’implication de l’ambassade et les autres acteurs. A cet égard un protocole d’accord négocié avec des conditions précises pourrait être signé entre l’ambassade et les bureaux de recrutement.  

Comme l’ont déjà fait certaines ambassade se trouvant dans la même situation que nous, en attendant,  j’ai demandé aux autorités compétentes de mon pays de sursoir au départ de Conakry jusqu'à nouvel ordre des filles et jeunes dames détentrice de visa 20  à destination du Koweït.

J’ai entrepris la même démarche auprès des autorités compétentes du Koweït afin qu’elles n’accordent plus de visa 20 aux guinéennes qui veulent venir travailler au Koweït comme domestique   afin examiner  les conditions de recrutement précises et partagées  entre les parties concernées.

J’espère pouvoir rencontrer très bientôt le ministre de l’intérieur ou toutes autres autorités compétentes  afin d’examiner ce sujet avec eux.

Je vous remercie